Nicolas Couchepin a grandi à Martigny, puis étudié en internat en Suisse alémanique. Après y avoir obtenu sa maturité, il a commencé des études de lettres qu’il a abandonnées. Il a ensuite suivi une école d’études sociales et est devenu éducateur. Aujourd’hui, parallèlement à l’écriture, il travaille pour Caritas. Il nous parle de sa pratique et de ses espoirs.
A quoi ressemble une de vos journées typiques, lorsque vous écrivez?
Je pars, pour écrire. J’aime bien la campagne, où je vis, mais j’écris en ville. Une journée typique d’écriture, c’est donc à Paris, où j’ai une chambre chez une amie. Je me lève très tôt. J’écris, puis je vais me promener. Je mets tout de côté. Je dois avoir mes journées depuis le lever du soleil. Mais j’écris à peu près deux heures par jour. Il faut simplement que je sois complètement plongé dans mon roman pendant quinze jours ou trois semaines à la suite.
Je vous ai perçu comme quelqu’un de très méticuleux en lisant Les Mensch. Vous travaillez avec un plan?
Non, je n’ai pas de plan. Je commence à écrire sans savoir où je vais. Je ne savais pas, jusqu’au dernier chapitre, que le personnage de Lucie apparaîtrait, mais je me suis rendu compte qu’il fallait une synthèse et je l’ai inventée. Jusque-là, je m’étais laissé aller au plaisir d’écrire. C’est après que j’ai noué le bouquet. Mon écriture fonctionne souvent par jets. J’ai des explosions. Je les écris phonétiquement et, ensuite, je retravaille beaucoup. Mais je pense que je ne retravaille jamais assez.
Il y a des motifs comme le lit aux pieds griffus, les papillons, la cave qui sont essentiels dans votre roman, comment sont-ils apparus?
Ce sont justement mes explosions. Ces thèmes s’imposent tout à coup. Je ne décide pas grand-chose. Après, certains de ces motifs fonctionnent, d’autres pas: j’arrive à en faire quelque chose ou pas. Il y avait plein d’autres idées qui me paraissaient des explosions, mais qui se sont révélées inexploitables.
Vous parliez de l’anecdote de la cave comme point de départ. Vous dépassez pourtant largement ce thème…
Oui, beaucoup d’autres choses se sont dressées sur ce point de départ. J’ai eu l’occasion d’écrire un texte sur un enfant handicapé qui m’a beaucoup habité. Simon, l’enfant trisomique du livre, est aussi au début de toute cette histoire.
Publier au Seuil, c’est un nouveau départ?
Je suis bien sûr complètement ravi. Les premiers temps, après avoir signé, j’étais très angoissé. Je me disais: là, je joue dans la cour des grands, je vais devoir assumer. J’ai d’ailleurs eu plus de peine que d’habitude à trouver le sujet de mon prochain roman. Ça m’a pris une année, alors que, normalement, j’ai des idées qui se chevauchent. C’est l’effet Seuil!
Comment s’est déroulé le travail avec le Seuil?
C’était extraordinaire. J’ai trouvé qu’il y avait un contact d’une immense intelligence avec l’éditeur. Nous avons beaucoup travaillé. L’éditeur m’a téléphoné en me disant: «Je veux signer ce livre avec vous, mais je vous dis tout de suite qu’il y aura du travail.» Il m’a demandé si j’étais d’accord d’entrer en matière. Ça m’a permis de voir ce qu’est un travail éditorial dans une maison de cette importance. Il y a eu quatre lecteurs au Seuil. C’était une expérience professionnelle unique
La publication du livre a pourtant été retardée d’une année…
J’ai signé un contrat en mars 2011 pour une publication en janvier 2012. J’ai ensuite eu un feedback de l’éditeur qui m’a dit que Régis Jauffret sortait Claustria, son roman sur l’affaire Fritzl, en janvier. Il m’a dit que ça se passait aussi dans une cave et qu’il ne pouvait faire risquer au Seuil de paraître monomaniaque de la cave! Et, m’ont-ils dit, «comme vous n’êtes pas aussi connu que lui, c’est vous que nous devons repousser». Ils ont hésité à me faire paraître en septembre 2012 et, pour une raison de visibilité, ils ont pensé que c’était plus facile au début 2013.
Joël Dicker vient de faire un carton en étant co-édité par un éditeur français, avez-vous de grands espoirs de vente en publiant au Seuil?
J’espère bien que le livre va marcher un peu en France. C’est en tout cas une ouverture. Mais je sais bien qu’il y a des centaines de livres qui sortent. Il faut avoir aussi beaucoup de chance. Mais, au moins, il y une possibilité plus grande que si je publiais en Suisse.
Vivre de sa plume, c’est un objectif?
Ce serait génial. C’est un rêve que j’ai caressé pendant très longtemps. Mais les quelques périodes où j’ai pu le faire, je me suis rendu compte que je «glandai» beaucoup. Je commence, à 53 ans, à être vraiment content d’avoir d’autres activités. Mais elles tournent toujours autour de l’écriture. J’en suis content, car c’est le domaine où je me sens mes deux pieds dans mes baskets. Je travaille pour Caritas: je fais entre autres de la communication et de la traduction. Quand j’étais plus jeune, j’ai cru que je pouvais être créatif tout le temps, mais ça ne marche pas comme ça.
Vous avez publié en 1996, 2000, 2008 et 2013. Vous avez reçu des prix. Vous ne voudriez pas publier plus?
Si j’avais du temps et si j’avais des idées… Mais je pense que je suis un lent. Etonnamment, Les Mensch est le livre que j’ai écrit le plus vite. Et il me semble bien que c’est le meilleur. Je m’interroge donc sur ma manière de travailler.